Sophie Mottard, MD, FRCSC
Chirurgienne orthopédiste-oncologue
C’est important pour moi de montrer que je ne suis pas généreuse juste parce que c’est ma job. Leucan est omniprésente dans ma vie, dans celle de mes ados. Me faire raser les cheveux va de soi. »
La docteure Sophie Mottard est chirurgienne orthopédiste oncologue à l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont et au CHU Sainte-Justine. Reconnue pour son dévouement et ses qualités humaines, elle a charmé le Québec lors de ses apparitions dans la série télévisée De Garde 24/7. Récipiendaire de plusieurs prix, elle est une des rares chirurgiennes spécialisées dans le traitement du sarcome au Québec.
En mémoire de Dania
Sophie Mottard était dans son bureau au CHU Sainte-Justine quand elle confirmé sa participation au projet Les Audacieuses. Elle s’est toute de suite rendue à l’unité des soins intensifs. Elle voulait annoncer sans attendre la nouvelle à Dania. Sa jeune patiente, âgée de 19 ans, y vivait ses derniers jours. « Je vais me faire raser les cheveux pour toi, pour vous ! », lui a-t-elle dit, tout de go.
Les yeux grands de surprise, Dania a éclaté de rire. « Je ne peux pas croire que tu vas faire ça pour nous. » La jeune femme imaginait déjà la tête chauve de la chirurgienne. « Dania était crampée, on se faisait des high five! Ses parents pleuraient derrière. Ce sont des moments épouvantables, mais en même temps tellement riches, tellement beaux. » Dania est décédée peu après, durant le temps des Fêtes, mais le jour du rasage, elle sera assurément dans les pensées de sa docteure dévouée.
« Je traite les sarcomes. Ce type de cancer présente un taux de mortalité particulièrement élevé. Depuis deux ans, on dirait qu’on est dans une mauvaise passe. Plusieurs patients récidivent, développent des métastases. » Jusqu’à 50 % des adultes et 30 % des jeunes en décèdent. « C’est énorme ! »
Faire rire ses patients
Sophie Mottard insiste : « si j’ai accepté de relever le Défi, c’est avant tout pour mes ados ». C’est ainsi qu’elle parle de ses jeunes patients. « J’ai avec eux une grande complicité, ils sont super attachants. » Lorsqu’elle sentira ses boucles tomber au passage du rasoir, elle pensera aux filles qui perdent leurs longs cheveux en raison de la chimiothérapie. « C’est très important l’apparence à l’adolescence. » Elle pensera aussi aux jeunes qu’elle opère et qui, au lieu de déployer leurs ailes et de vivre dans l’insouciance, doivent suivre d’éprouvants traitements et, parfois, subir des chirurgies mutilantes. « À travers ces épreuves, ils deviennent des êtres extrêmement profonds, ancrés dans la réalité. Ils sont inspirants. Je souhaite leur montrer que je suis avec eux, que je fais partie de leur gang. Je veux surtout les faire rire. »
Une chirurgienne hors de l’ordinaire
Avec ses baskets aux pieds, son t-shirt de Superman et ses boucles rebelles, Sophie Mottard projette une image différente de celle qu’on se fait des médecins spécialistes. Mais si elle sort du moule, c’est bien plus qu’une affaire de look. Elle se distingue par son approche humaine et le lien fort qu’elle tisse avec ses patients. « J’exècre le modèle traditionnel du chirurgien suffisant sur son piédestal. Ça m’a fait hésiter à devenir chirurgienne. » Assumée, elle a plutôt décidé de foncer et de montrer que ça pouvait être autrement.
Son père, qui était lui-même un psychiatre un peu flyé, lui a conseillé d’établir une distance entre elle et ses patients. « Ça ne marche pas pour moi, confie-t-elle. Mes patients font partie de ma vie. Ma famille le sait et l’accepte. Quand je perds un patient, je pleure ma vie pendant quelques jours, mais je suis capable de vivre avec ça. »
Les gens la connaissent comme une personne extrêmement généreuse au travail, mais les Audacieuses est son premier geste public de générosité. « C’est important pour moi de montrer que je ne suis pas généreuse juste parce que c’est ma job! Leucan est omniprésente dans ma vie, dans celle de mes ados. Me faire raser les cheveux va de soi. »
Rasage : Gabrielle au rasoir
La journée du rasage sera très spéciale. « J’ai demandé à Gabrielle, une de mes jeunes patientes, de tenir le rasoir. » C’était une condition sine qua non : la chirurgienne voulait impliquer ses ados dans le projet. « Mes patients capotent, toute la gang ! Dès que j’ai parlé du rasage, ça a fait boule de neige. La réaction est très positive. »
Cheveux rasés : un contraste saisissant
« Avec la quarantaine, mes cheveux frisent de plus en plus. Avant, je les lissais, mais j’ai décidé d’assumer mon look dépeigné, beach bum. J’ai l’air branchée sur le 220 volts. Ça doit être mon côté taquin qui ressort. Une infirmière m’a même offert du curl cream ! Je crois que le contraste avant/après va être saisissant. Avec mon gabarit de 1,87 m et 185 livres, ça risque de faire hard, mais je crois que ça m’ira bien », dit-elle, sans inquiétude. À l’hôpital, peu remarqueront son changement de tête puisqu’elle porte son chapeau de chirurgienne en quasi-permanence.
Ses proches l’appuient à 100 %. Sa fille, âgée de 13 ans, lui a d’ailleurs servi un argument qui l’a saisi. « Elle m’a dit: si tu ne le fais pas, tu n’es plus ma mère ! Tu te bats pour guérir tes patients. On te demande de les aider en te rasant ? Fais-le donc ! C’est juste des cheveux, ça va repousser. » La chirurgienne se fait un devoir d’inculquer l’importance du don de soi à ses enfants. « Je ne pouvais pas reculer. » Son conjoint l’appuie aussi. « Chaque année, j’ai les cheveux de plus en plus courts. Il m’a dit : c’est le temps de finir le cycle ! », lance-t-elle, en riant.
Sortir de sa zone de confort
La campagne promotionnelle autour du projet les Audacieuses la déstabilise, beaucoup plus que le rasage lui-même. « Le shooting qui vient avec me fait sortir complètement de ma zone de confort. Je ne suis pas très girly, robe et talons hauts. Je pourrais parler du sarcome à un million de personnes sans problème, mais si je me trouve dans un cocktail ou un événement mondain, j’ai des ballonnements, des nausées et je veux me sauver ! Heureusement, je ne serai pas seule. Je le fais pour Leucan, pour mes patients, pour leurs parents.