Garihanna Jean-Louis

Humoriste, comédienne et conférencière

« Je veux faire comprendre aux gens qu’ils n’ont pas à vivre cette épreuve seuls, que des gens sont là pour aider et que ça soulage à plein de niveaux : émotionnellement, spirituellement, financièrement. Il y a un accompagnement jusqu’à la fin que l’on souhaite, bien sûr, heureuse. »

Première et seule femme noire diplômée de l’École nationale de l’humour, Garihanna Jean-Louis est née à Montréal de parents d’origine haïtienne. Pour cette bachelière en économie, l’appel des planches a été le plus fort ! Elle porte aujourd’hui plusieurs chapeaux : humoriste, comédienne, auteure, enseignante, conférencière et entrepreneure. Avec sa sœur Cynthia, elle a fondé la compagnie de production Les Sœurs Jean-Louis Inc. qui présente des spectacles à l'international, notamment au Canada, aux États-Unis, en Guadeloupe et en Haïti. Cette année, elle présentera son premier « one woman show » d’humour à saveur mangue-érable.

Depuis l’adolescence, Garihanna Jean-Louis se rase les cheveux au moins une fois par année. C’est aujourd’hui un rituel bien ancré. « Il s’agit d’une façon de me rappeler qui je suis, de m’affirmer et de réaliser que l’apparence n’a rien à voir avec ma personnalité. Je le fais souvent dans des moments tristes. Si je peux le faire pour soutenir une cause concrète et donner une signification à mon geste, pourquoi pas ! »

C’est donc avec grand plaisir qu’elle a accepté de participer aux Audacieuses. « L’excitation est à son comble, c’est bien réel. Je n’en reviens pas d’avoir été sélectionnée parmi toutes ces magnifiques femmes. J’ai hâte de voir tous ces crânes rasés, les unes collées sur les autres. Je pense que ça va être un moment très fort, puissant et que ça va toucher nos cœurs d’humains. »

Au bal des finissants sans cheveux

Si Garihanna Jean-Louis associe le rasage de sa tête à son bien-être personnel, il n’en a pas toujours été ainsi. Au contraire. À l’âge de 15 ans, alors qu’elle était à Montréal, loin de ses parents restés en Haïti, elle a souffert d’un épisode de dépression et d’alopécie. « Un matin, je me suis réveillée et il y avait tout plein de cheveux sur mon oreiller. » Elle a d’abord dissimulé sa chevelure clairsemée avec différentes coiffures, mais rapidement, ça n’a plus suffi.

Sa mère, inquiète, est venue la rejoindre. « C’est elle qui m’a rasé le crâne. Ça a été un choc. Elle a conservé mes cheveux dans une boîte. J’étais en secondaire 5, au Collège Régina-Assumpta, à quelques semaines du bal des finissants. Du jour au lendemain, je me suis présentée sans cheveux. J’ai dû expliquer que je souffrais de dépression. Dans la communauté noire, la santé mentale est taboue. Autant que le cancer. »

Vêtue de sa belle robe de soirée, elle s’est présentée au bal. Sans cheveux. « Il fallait que j’assume, mais je n’étais pas encore capable. Ça a été très difficile, je n’ai aucune photo de mon bal. » Quand elle pense à cette adolescente atteinte de cancer, qu’on lui a récemment présentée, qui a dû supporter les regards et les moqueries après avoir perdu sa longue chevelure brune, elle se sent touchée. « J’ai un nœud dans la gorge, parce que cette jeune femme, c’était moi. »

Pendant longtemps, Garihanna Jean-Louis a accordé une grande importance à l’apparence. « Nos parents nous ont inculqué de s’aimer pour qui on était, mais ils insistaient : nous devions avoir une apparence soignée, être fières. Pourquoi ? Parce que je suis une femme et que je suis noire, donc que je serai toujours doublement jugée. »

Cela ne l’a pas empêché de s’affirmer, notamment en se rasant les cheveux à répétition. Sa mère et sa sœur l’ont imitée. « On réalise que les cheveux, ce n’est rien. Si la personne à l’intérieur de toi n’est pas belle, que tu n’en prends pas soin, l’apparence ne sert à rien, tu n’es qu’une enveloppe vide. Quand on me dit que je rayonne, je suis flattée. Je sais que ça n’a rien à voir avec mon apparence physique. »

Au-delà du tabou du cancer : de l’aide et du soutien

Dans la dernière année, le cancer a frappé trois fois plutôt qu’une dans l’entourage de l’humoriste. Une tante, un oncle. Son grand-père, qui en est décédé. « Ça a été une surprise parce que ça a été gardé secret. C’est fou, hein ? Les gens ne parlent pas du cancer. C’est encore plus vrai quand il s’agit d’un cancer juvénile. On pense que c’est mystique ou que c’est l’œuvre de quelqu’un qui nous veut du mal. »

Grâce à ce rasage public, Garihanna Jean-Louis souhaite sensibiliser les gens de la communauté noire à la réalité du cancer pédiatrique. « Je veux faire comprendre aux gens qu’ils n’ont pas à vivre cette épreuve seuls, que des gens sont là pour aider et que ça soulage à plein de niveaux : émotionnellement, spirituellement, financièrement. Il y a un accompagnement jusqu’à la fin que l’on souhaite, bien sûr, heureuse. »

Elle fait de sa participation aux Audacieuses une mission personnelle. « C’est un cadeau que la vie m’offre, après avoir eu un cheminement houleux et un parcours atypique. Je dois le partager. Avec ma sœur, on a toujours fait de l’éducation et de la sensibilisation par le divertissement. C’est notre leitmotiv. La maladie n’a pas de couleur, n’a pas de race, n’a pas d’âge. Si on peut passer au travers ensemble, ça va nous faire du bien à tous et peut-être que le fardeau sera moins lourd. »

Après le rasage, elle compte mettre une couleur flashy dans ses cheveux. Du blond platine ? Du rose ? Elle ne sait pas encore. Elle songe déjà à répéter l’expérience l’an prochain, à la même date que le rasage collectif des Audacieuses, en y ajoutant une touche de couleur. « S’il faut que je me rase le crâne jusqu’à la fin de ma vie pour la cause, je le ferai et le referai avec plaisir. »